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Le projet de loi sur l’élargissement de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes

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Edito septembre 2019

La mesure “emblématique” de la prochaine révision des lois de bioéthique, dont l’examen devrait commencer le 24 septembre prochain à l’Assemblée Nationale, est l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules hors de toute infertilité, mais aussi aux couples de femmes homosexuelles. Pour l’instant, les techniques de PMA sont réservées aux couples hétérosexuels « afin de remédier à l’infertilité ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à l’un des membres du couple une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué » (art. 2141-2 du code de la santé publique révisé en 2011).
Cette mesure suscite de vifs débats et demeure fort controversée. Elle pose des questions de fond aux citoyens que nous sommes. Dans notre société laïque et pluraliste, les questions que nous nous posons, et que nous devons poser au législateur concernant l’extension de la PMA à toutes les femmes (concrètement dans notre département, questions à poser à nos deux députées et à notre sénateur), ne doivent pas être abordées par l’angle de la foi ou présupposant un acte de foi chez nos interlocuteurs mais au moyen d’arguments rationnels pouvant être reçus par toute personne indépendamment de ses croyances ou de ses convictions personnelles. Les questions bioéthiques sont des questions qui se posent à tous les membres du corps social. Comme chrétien, nous appartenons à ce corps social et nous avons le droit, et le devoir, d’interroger et de participer aux débats citoyens.
Le désir d’enfant et la souffrance de ne pas en avoir est une question réelle et légitime, s’ils doivent être entendus et accompagnés, ils doivent aussi être interrogés. Le désir et la souffrance ne créent pas d’obligation à y répondre à tout prix. Il ne s’agit pas ici de juger des intentions des personnes, ni de nier les qualités affectives et éducatives des femmes qui élèveront seules ou en couple de femmes un enfant ! Mais il faut s’avoir s’interroger sur ce qui est en jeu dans l’extension de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes. La bonne volonté et l’amour ne sont pas suffisants pour l’éducation d’un enfant ! Quelles sont les conséquences de cette possible décision à court, moyen et long terme, sur les personnes et le corps social tout entier ?
Alors que depuis plusieurs années déjà, psychologues et éducateurs insistent sur la nécessité et l’importance de revaloriser la figure paternelle (importante pour l’identité sexuée, le sens de la loi et l’autorité), le projet de loi écarte délibérément le père, suggère que sa présence est contingente. Nos parlementaires ne sont pas des gens “hors sol”. Ils vivent dans cette société ou, notamment les éducateurs, notent les conséquences néfastes de l’absence du père liée à un “accident” de la vie : séparation, décès. Une chose est de faire face à ces situations douloureuses, une autre en en de les créer ! Que vont penser celles et ceux qui connaissent le drame humain d’avoir perdu leur père ou ne pas le connaître lorsque la loi va rendre possible et légaliser un tel droit ? « Le père tient un rôle essentiel auprès de l’enfant… L’influence du père est une rampe de lancement vers les autres… Le père joue également un rôle dans la construction du langage. Lorsque l’enfant apprend à parler, les pères utilisent un vocabulaire plus sophistiqué et formulent plus de demandes de clarification : « Que dis-tu ? Je n’ai pas compris. » Le père est un partenaire plus difficile, obligeant l’enfant à se faire comprendre par d’autres interlocuteurs que la mère… Les pères encouragent plus les enfants que les mères, les gratifient moins, posent davantage de défis. Ils incitent l’enfant à résoudre lui-même un problème. Les bénéfices d’une telle relation sont grands pour l’enfant, mais aussi pour le père… Leur maturité s’accomplit lorsqu’ils donnent la vie et font grandir un autre. » (Le vrai rôle du père ; Jean Le Camus).
Notre société ne se rend même plus compte de ses contradictions et de ses incohérences :
– On affirme tout à la fois l’importance et la nécessité de restaurer la figure paternelle et, en même temps, on efface le père dès la gestation et la naissance.
– On promeut l’acceptation, l’accueil et la tolérance de toutes les différences et, en même temps, la différence est refusée à l’enfant qui naîtra dans un couple de femmes. Certes la différence ne se résume pas à la différence des sexes mais la différence sexuelle en est la première marche d’accès. « La différence des sexes est la différence qui tranche sur toutes les autres différences », affirme la philosophe Luce Irigaray
– On permet l’accès des femmes seules ou en couple homosexuel d’avoir un enfant “sans” père et, en même temps, sera peut-être levée l’anonymat sur le don des gamètes (sperme) ce qui permettra à l’enfant, à sa majorité seulement, de retrouver son géniteur biologique.
– Le droit international a promu les droits de l’enfant (Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU), et en même temps, on va priver l’enfant du droit de connaître ses parents (mère ET père) et d’être élevé par eux. Il sera élevé soit par une femme seule soit par deux femmes. Comme l’écrit la psychologue, Anne Mortureux, « ce qui me frappe c’est que l’on donne toute la place à ce désir d’adulte d’avoir un enfant, alors que la vie consiste à conjuguer notre désir avec d’autres considérations, en l’occurrence les besoins de l’enfant ».
A l’approche du projet de loi les ministres affirment avec force que l’extension de la PMA aux femmes seules ou en couple homosexuel n’est pas la porte ouverte à la gestation pour autrui ! Mais qui peut sérieusement le croire ? L’extension de la PMA à toutes les femmes « s’inscrit dans une revendication de liberté et d’égalité » a déclaré le comité national d’éthique. Il est évident que très vite les hommes seuls ou vivant en couple demanderont le même droit d’avoir un enfant au nom de leur liberté et de l’égalité entre tous les citoyens. La PMA étendues à toutes les femmes est la porte ouverte à la GPA !
Je laisse la conclusion au Cardinal Louis-Marie Billé qui fut archevêque de Lyon dans une conférence que j’ai entendue en 2000 : les positions que prend l’Église dans un certain nombre de domaines touchant la vie, l’amour ou la mort, paraissent à ce point en décalage par rapport à l’opinion majoritaire que des chrétiens seraient tentés de réagir sur le mode : « Si seulement l’Eglise cessait de prêcher la morale, on pourrait enfin annoncer l’Évangile. » Mais ce n’est évidemment pas si simple. Comment les disciples du Fils de Dieu fait homme se désintéresseraient-ils de l’homme, de sa vie, de son avenir ? Nous n’avons certes pas à faire comme si en tout domaine il nous fallait forcément prendre le contre-pied de notre société. Mais il y a des moments où il faut savoir dire : « Attention… » devant certains comportements, certaines opinions, certaines législations. Cela n’exclut ni la patience, ni le temps de l’accompagnement, ni le respect dû au cheminement de la conscience, cela exclut encore moins la miséricorde, mais cela appelle la clarté, la liberté intérieure, la charité pastorale, le sens vrai des personnes.

Pour toute information sur ce sujet et sur la position de l’Église, le mieux est de se rendre sur le site de la Conférence des Évêques de France :

https://eglise.catholique.fr/
https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/eglise-et-bioethique/
https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/eglise-et-bioethique/actualites/484679-loi-bioethique-soiree-de-presentation-positions-de-conference-eveques-de-france/